Origine d'un Empire: L'homme

Empire-Fullmoon production

A.    LE RÉALISATEUR

1.       Debut
Comme Roger Corman en son temps, davantage que des personnalités singulières comme Dick Randall, le réalisateur et producteur Charles Band a réussi à faire de son nom un véritable label : symbole de budget réduit, de sorties direct-to-video, et d’esthétique soignée eut égard à la misère financière, le nom du boss de Full Moon Pictures est le signe de la survivance du cinéma bis à l’ancienne.
Il faut dire que Charles a de qui tenir : né le 27 décembre 1951 à Los Angeles, Charles Robert Bandest le fils d’Albert Band (1924-2002), réalisateur-producteur prolifique que son activité de globe-trotter conduisit des studios hollywoodiens de seconde zone au Cinecittà de la grande époque. Charles suit les pérégrinations de son père et passe une partie de son enfance à Rome, baignant dans une ambiance de cinéma, de productions montées à coup de débrouille et de séries B plus ou moins bizarroïdes. 
C’est tout naturellement qu’il décide de suivre les traces de Band Senior et démarre son activité de réalisateur-producteur à l’âge de 22 ans, en tournant « Last Foxtrot in Burbank », une comédie plus ou moins érotique. Les films réalisés et / ou produits par le jeune Band, avec les encouragements paternels, lui permettent de commencer à se faire un prénom et comptent quelques mini-classiques de la série B fauchée comme « Tourist trap ». Films d’horreur, science-fiction, Charles Band s’adonne avec enthousiasme à un cinéma de genre fauché mais sincère. Il s’essaie à des productions plus ambitieuses avec « Parasite » (où débute Demi Moore) et « Metalstorm », deux films de science-fiction qui tentent de surfer sur l’éphémère mode de la 3-D au début des années 1980, mais les résultats sont mitigé
Le business demeure globalement à une échelle réduite et la plupart des films de l’écurie Band sont encore limités, aux Etats-Unis, à des distributions régionales assez incertaines. C’est l’arrivée du marché de la vidéo et le développement de la télévision câblée qui vont fournir de fabuleux débouchés à l’industrie du cinéma pingre. Comprenant rapidement les potentialités du marché de la VHS, CharlesBand fonde en 1983 sa propre société, Empire International, qui se consacrera autant à la production de films pour le nouveau marché de la vidéo qu’à une distribution en salles à petite échelle. Bandretourne en Italie, pays de son enfance, où il achète les studios de tournage de Dino De Laurentiis qui lui fournissent de solides infrastructures pour inonder le marché mondial de ses films à petit budget.
Employant des metteurs en scène (David DeCoteau, Tim Kincaid…), acteurs (Tim Thomerson, Jeffrey Combs…) ou techniciens des effets spéciaux (Ed French) réguliers, la compagnie réussit de jolis coups comme « Future Cop » (« Trancers »), et surtout « Re-Animator », de Stuart Gordon, qui donnera lieu à une controverse entre Band et Brian Yuzna quant à la paternité productive du film. Charles Bandproduit les deux films suivants de Stuart Gordon, « From Beyond » et « Dolls » (aka « Les Poupées »), qui connaîtront des succès à leur échelle. Mais Band, qui tient à superviser tous les films de son écurie pour leur assurer une certaine « patine », n’est pas toujours heureux dans ses choix. On le retrouve producteur d’un nombre affolant de nanars ramollis du bulbe et à la limite du regardable, comme «Creepozoids », « Robot Killer », « Slave girls from beyond infinity » et autres « Sorority Babes in the Slimeball Bowl-O-Rama ». Décors en carton, acteurs en dessous de la moyenne, scénarii ineptes : la masse des productions Empire représente le pire des années 1980 et n’a de remarquable que ses affiches joyeusement flashy et débiles. Charles Band, qui dit ambitionner de produire 80 à 100 films par an, débarque au marché du film de Cannes avec une tripotée de projets improbables annoncés à grands renforts d'affiches alléchantes... sans que les films ne soient toujours tournés après ! On doit notamment à Empire des machins accablants comme « Savage island », film italien de prison de femmes caviardé avec de nouvelles scènes avec Linda Blair pour le faire passer pour une nouveauté, ou « Breeders », exploits d’un extraterrestre visqueux violant des new-yorkaises dans le métro. Homme de goût, Charles Band distribue également aux Etats-Unis... des films produits par la compagnieEurociné de Marius Lesoeur !
Empire développe également une filiale, Beyond Infinity, qui se révèlera bientôt ingérable. Empire, censé fournir par contrat une vingtaine de films par an, ne peut en produire que 7 ou 8 dans des conditions optimales et se trouve contraint de sous-traiter au rabais le reste de sa production à sa filiale. La grande majorité des films de la firme oscille entre le navet et le nanar, se révélant parfois trop mous pour être drôles mais recelant également des trésors de ridicule les rendant dignes d'attention.

2.                  Effondrement et renaissance
A force d’encombrer le marché mondial avec des tombereaux d’âneries, ce qui devait arriver arrive :Empire est victime de ses problèmes de gestion et des défaillances de l’économie italienne. CharlesBand doit vendre ses studios romains, bâclant le tournage de « Robot Jox », qui devait être la superproduction maison et qui ne sera achevé que laborieusement. En 1988, il doit céder la firme, absorbée par son concurrent Epic.
Mais Band n’a pas dit son dernier mot et ne tarde pas à fonder sa nouvelle compagnie, Full Moon Entertainment, en se promettant de ne pas répéter les erreurs du passé. Notre héros se recentre sur le territoire américain et abandonne la partie "distribution" de ses activités. Reprenant les meilleurs collaborateurs d’Empire, Full Moon produit un nombre de films plus limité, en privilégiant une certaine qualité. Le niveau reste cependant assez bas, contraintes budgétaires et limites du cinéma d’exploitation laissant Full Moon scotché au raz des pâquerettes du cinéma bis. Pré-vendant la plupart de ses films à des distributeurs étrangers, Charles Band se débrouille pour ne pas perdre d’argent et, bien que conscient des limites artistiques imposées par son système de production, parvient à faire de sa nouvelle compagnie une affaire qui roule. Full Moon reste une entreprise à dimension familiale : le frère de Charles, Richard Band, compose la musique de nombreux films et Albert Band continuera de seconder son fils jusqu’à son décès. Bien que faisant passer son activité de réalisateur au second plan,Charles n'en est pas moins très impliqué dans la conception des films, qu'il se targue de tous superviser, allant jusqu'à distribuer sous des labels parallèles des oeuvres dont il estime qu'elles ne méritent pas l'imprimatur Full Moon. Si les films produits par notre ami sont souvent jugés trop "propres" et trop soignés pour être des nanars hilarants au sens où on l'entend ici, leur esthétique constamment fauchée et le décalage général entre les ambitions affichées et le résultat à l'écran force régulièrement le respect. La production Band est de toutes manières si pléthorique qu'il est difficile pour le nanardeur gros consommateur de ne pas y trouver son bonheur ici ou là, fut-ce par hasard.
visé, Charles Band crée deux filiales de sa compagnie : Moonbeam, destiné à la production de films familiaux et Torchlight, dédié à l’érotisme soft. En 1996, Full Moon continue de diversifier ses activités en produisant des CD-Rom interactifs. Sans avoir révolutionné le monde du cinéma indépendant, Band est parvenu à créer une affaire relativement prospère, et continue de fournir au marché mondial quatre, cinq ou six films par an, nourrissant inlassablement le marché des sorties vidéo tout en parvenant à créer des mini-phénomènes de culte avec des séries de films comme « Puppet master » ou « Subspecies ». Il est certes tentant de considérer Charles Band comme un grossiste en « série G » (le terme série B représentant trop d’honneur), mais notre homme est parvenu à maintenir tant bien que mal la flamme d’un certain cinéma de consommation courante voué au mépris de la critique et pourtant toujours vivace. Médiocre parfois, ridicule souvent, mais honnête et tenace, la maison Band tient le cap contre vents et marées et peut se glorifier d’avoir atteint, et même dépassé son objectif d’avoir produit 200 films en l’an 2000 (ce qui est déjà plus raisonnable que l'objectif des 100 films par an d'Empire) ! Qui dit mieux ?

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